Extrait du journal Le Matin (56e
ANNÉE N° 20.197) MARDI 11 JUILLET 1939
MARSEILLE, 10 juillet. Par
téléphone: Un épouvantable accident s'est produit ce matin à la sortie de
Roquevaire. Un autocar qui transportait des films a pris feu par suite,
semble-t-il, de l'inflammation de ceux-ci. Dix passagers ont été carbonisés,
six sont blessés. Chaque jour, vers 9 h. 30, cette voiture passait à
Roquevaire, venant de Peypin et se dirigeant sur Marseille par La Destrousse,
Auriol et Aubagne.
Les vingt et une places assises que
comporte la voiture étaient occupées plusieurs voyageurs étaient, en outre,
debout dans le couloir central.
Dans le car Peypin-Marseille,
semblable à beaucoup d'autobus à moteur à huile lourde, le chauffeur était
assis dans une sorte de cabine vitrée située en avant du châssis et à côte même
du moteur. Une porte y donnait accès. La partie réservée aux voyageurs était
accessible par trois portes une avant, deux arrière.
Fréquemment, en fin de semaine, les
cinémas ruraux remettent aux chauffeurs; des cars desservant les petites
communes des boites de films qu'ils renvoient, après projection. aux agences
marseillaises de location. Ce matin, au long de la route une quinzaine, de
bobines enfermées selon l'usage dans des boites de fer blanc, avaient été
remises au car faisant le trajet Peypin-Marseille. Comme de coutume, le
chauffeur les avait déposées dans le couloir central, à même le tapis de la
voiture, juste derrière. Vers 9 h. 30 une lourde voiture au sommet de la ligne
droite et déclive au bout de laquelle s'étend la vaste place ombrage qui marque
le centre de Roquevaire l'allure était forcément assez modérée.
Au feu
Soudain, un voyageur aperçut des
flammes dans la voiture. Il cria « Au feu Stoppez ». Le chauffeur, qui
apercevait déjà dans son rétroviseur des gerbes de flammes, arrêta son véhicule
en moins de deux cents mètres, mais l'incendie s'étendait déjà à toute la
voiture.
Pris de panique, les voyageurs se
portèrent tous à l'arrière du véhicule. Des boîtes de films jaillissaient vers
l'avant des gerbes de flammes.
Une femme ayant eu la présence
d'esprit d'ouvrir la portière droite et de sauter de la voiture, elle fut
suivie par plusieurs autres voyageurs. Quant à la porte de gauche, soit par
maladresse, soit pour toute autre cause, elle résista aux efforts de ceux qui
voulaient l'ouvrir. C'est donc une seule porte de secours qui s'offrait aux
voyageurs affolés, qui furent bientôt environnés de flammes ou suffoqués par la
fumée.
Le chauffeur avait pu, lui aussi,
sauter sur le sol par la porte de sa cabine. Mais il semble qu'au moment où la
voiture s'arrêta complètement, toute intervention était déjà inutile.
Une torche gigantesque
La plupart des voyageurs qui
s'étaient échappés étaient tombés sur le sol, les uns sur les autres, avant
l'arrêt complet du véhicule, et ce n'est qu'une torche gigantesque que le chauffeur
immobilisa devant la gendarmerie. Entendant les cris, sortir de la gendarmerie,
voir les flammes, dit un gendarme, et l'on ne pouvait déjà plus approcher du
brasier. En hâte, on relevait les blessés hurlant de douleur, et les
automobilistes de passage transportaient ceux-ci dans les hôpitaux les plus
proches.
En même temps, les pompiers de
Roquevaire arrivaient, et grâce à la motopompe qu'ils utilisaient pour la
première fois, noyaient rapidement le véhicule en flammes, intervention utile,
car la chaleur dégagée par le brasier était telle que les portes de bois d'un
immeuble situé à proximité étaient déjà carbonisées et un incendie d'une rare
violence risquait de se propager à travers le village.
L'Ouest-Éclair. Date d'édition : 1939-07-11
(De notre correspondant
particulier) Marseille, 10 juillet.
Un autocar d'une société
d'Aix-en-Provence, qui effectue le service Marseille-Aix par Aubagne et
Roquevaire, a pris feu ce matin dans cette dernière localité au moment où il
passait devant la gendarmerie. Le véhicule était conduit par le chauffeur
Edouard Charpin.
L'autocar avait quitté Peypin à 8 h
35, emportant croit-on, vingt-cinq voyageurs: il devait arriver vingt minutes
plus tard à Roquevaire. Entre ces deux localités, il marqua un petit arrêt à la
Destrousse, pour prendre à son dépôt le paquet des films du programme passé
dans la semaine à la Destrousse et qu'il devait transporter à Marseille.
Un
brasier
Quelques minutes plus tard, alors
que l'autocar arrivait devant la gendarmerie de Roquevaire, on vit tout à coup
la voiture environnée de flammes. Le véhicule stoppa. Deux portières
s'ouvrirent, une sur l'avant à gauche l'autre sur l'arrière à droite. Une
douzaine de personnes se précipitèrent dans une sorte de ruée se bousculant,
s'écrasant. Quelques autres purent s'échapper avec l'aide de celles qui
venaient de sortir.
De la voiture montaient des cris
horribles « Au secours », « Maman, maman », «
Sauvez-nous ».
En quelques instants l'autocar ne
fut plus qu'un brasier duquel les habitants de Roquevaire, accourus, durent
s'éloigner tant la chaleur était intense. Déjà il ne restait plus, près du
trottoir que des débris calcinés, des ferrailles tordues, des plaques de tôle
gondolées. Sous cet amas, on apercevait des débris humains calcinés et
notamment le corps d'une femme assise sur une banquette du milieu et serrant un
enfant sur son sein, celui d'un homme particulièrement robuste qui a été saisi
par la mort au moment où il allait atteindre la portière, celui d'un voyageur
qui s'était désespérément cramponné à la portière arrière qu'il a vainement
tenté d'ouvrir.
Dix
cadavres
Des mesures furent immédiatement
prises pour le transport des voyageurs qui n'étaient que blessés; deux d'entre
eux furent transportés à l'hôpital d'Aubagne, trois autres furent emmenés à
l'hôpital de la Conception à Marseille et une dernière à l'hôpital de
Roquevaire. Douze personnes environ étaient indemnes. On pouvait donc, dès les
premiers instants, évaluer à une dizaine le nombre des morts. Le Parquet d'Aix
avisé se transporta immédiatement à Roquevaire. Il est apparu tout de suite
qu'il ne pouvait être question d'un court-circuit et que l'on devait dans ces
conditions accepter comme exacte l'explication donnée par une des personnes non
blessées, qui a déclaré que quelques secondes avant que le car ne prit feu elle
avait signalé au chauffeur que des flammes sortaient du paquet de films. Ce
serait donc à l'inflammation des films de cinéma que serait dû l'accident.
Identification
difficile des victimes
Les blessés sont Mme Lopez,
demeurant rue Farinette à Marseille, Mme et Mlle Cassau, Mme Pelligrini,
demeurant à la Bouilladisse. Ces personnes ont été transportées à l'hôpital de
Roquevaire. L'état de Mme Cassau est désespéré.
A l'hospice d'Aubagne ont été
transportées Mlle Juliette Becker, demeurant rue Sainte-Catherine, à Marseille
et Mlle Catherine Coreana, demeurant au Canet près de Marseille.
Les maires de toute la région sont
venus à Roquevaire, tant pour voir les blessés et les rescapés que pour tenter
d'aider à l'identification des cadavres. L'autocar qui était immatriculé c 917T
CAO va être exploré et l'on essaiera d'en dégager les corps.
La
liste des victimes
Dans l'après-midi, les déclarations
des familles qui venaient à la gendarmerie réclamer des nouvelles de ceux qui,
le matin, étaient partis plein de vie, et, hélas, n'avaient pas reparu ont
permis d'établir une liste qui semble définitive, des victimes dont les restes
…
autre source:
La preuve par neuf Francis Pellissier Calameo p
97 2018-01 CC
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