vendredi 19 janvier 2018

1939 tragédie



Extrait du journal Le Matin (56e ANNÉE N° 20.197) MARDI 11 JUILLET 1939

MARSEILLE, 10 juillet. Par téléphone: Un épouvantable accident s'est produit ce matin à la sortie de Roquevaire. Un autocar qui transportait des films a pris feu par suite, semble-t-il, de l'inflammation de ceux-ci. Dix passagers ont été carbonisés, six sont blessés. Chaque jour, vers 9 h. 30, cette voiture passait à Roquevaire, venant de Peypin et se dirigeant sur Marseille par La Destrousse, Auriol et Aubagne.
Les vingt et une places assises que comporte la voiture étaient occupées plusieurs voyageurs étaient, en outre, debout dans le couloir central.
Dans le car Peypin-Marseille, semblable à beaucoup d'autobus à moteur à huile lourde, le chauffeur était assis dans une sorte de cabine vitrée située en avant du châssis et à côte même du moteur. Une porte y donnait accès. La partie réservée aux voyageurs était accessible par trois portes une avant, deux arrière.
Fréquemment, en fin de semaine, les cinémas ruraux remettent aux chauffeurs; des cars desservant les petites communes des boites de films qu'ils renvoient, après projection. aux agences marseillaises de location. Ce matin, au long de la route une quinzaine, de bobines enfermées selon l'usage dans des boites de fer blanc, avaient été remises au car faisant le trajet Peypin-Marseille. Comme de coutume, le chauffeur les avait déposées dans le couloir central, à même le tapis de la voiture, juste derrière. Vers 9 h. 30 une lourde voiture au sommet de la ligne droite et déclive au bout de laquelle s'étend la vaste place ombrage qui marque le centre de Roquevaire l'allure était forcément assez modérée.
Au feu
Soudain, un voyageur aperçut des flammes dans la voiture. Il cria « Au feu Stoppez ». Le chauffeur, qui apercevait déjà dans son rétroviseur des gerbes de flammes, arrêta son véhicule en moins de deux cents mètres, mais l'incendie s'étendait déjà à toute la voiture.
Pris de panique, les voyageurs se portèrent tous à l'arrière du véhicule. Des boîtes de films jaillissaient vers l'avant des gerbes de flammes.
Une femme ayant eu la présence d'esprit d'ouvrir la portière droite et de sauter de la voiture, elle fut suivie par plusieurs autres voyageurs. Quant à la porte de gauche, soit par maladresse, soit pour toute autre cause, elle résista aux efforts de ceux qui voulaient l'ouvrir. C'est donc une seule porte de secours qui s'offrait aux voyageurs affolés, qui furent bientôt environnés de flammes ou suffoqués par la fumée.
Le chauffeur avait pu, lui aussi, sauter sur le sol par la porte de sa cabine. Mais il semble qu'au moment où la voiture s'arrêta complètement, toute intervention était déjà inutile.
Une torche gigantesque
La plupart des voyageurs qui s'étaient échappés étaient tombés sur le sol, les uns sur les autres, avant l'arrêt complet du véhicule, et ce n'est qu'une torche gigantesque que le chauffeur immobilisa devant la gendarmerie. Entendant les cris, sortir de la gendarmerie, voir les flammes, dit un gendarme, et l'on ne pouvait déjà plus approcher du brasier. En hâte, on relevait les blessés hurlant de douleur, et les automobilistes de passage transportaient ceux-ci dans les hôpitaux les plus proches.
En même temps, les pompiers de Roquevaire arrivaient, et grâce à la motopompe qu'ils utilisaient pour la première fois, noyaient rapidement le véhicule en flammes, intervention utile, car la chaleur dégagée par le brasier était telle que les portes de bois d'un immeuble situé à proximité étaient déjà carbonisées et un incendie d'une rare violence risquait de se propager à travers le village.


L'Ouest-Éclair. Date d'édition : 1939-07-11
(De notre correspondant particulier) Marseille, 10 juillet.
Un autocar d'une société d'Aix-en-Provence, qui effectue le service Marseille-Aix par Aubagne et Roquevaire, a pris feu ce matin dans cette dernière localité au moment où il passait devant la gendarmerie. Le véhicule était conduit par le chauffeur Edouard Charpin.
L'autocar avait quitté Peypin à 8 h 35, emportant croit-on, vingt-cinq voyageurs: il devait arriver vingt minutes plus tard à Roquevaire. Entre ces deux localités, il marqua un petit arrêt à la Destrousse, pour prendre à son dépôt le paquet des films du programme passé dans la semaine à la Destrousse et qu'il devait transporter à Marseille.
Un brasier
Quelques minutes plus tard, alors que l'autocar arrivait devant la gendarmerie de Roquevaire, on vit tout à coup la voiture environnée de flammes. Le véhicule stoppa. Deux portières s'ouvrirent, une sur l'avant à gauche l'autre sur l'arrière à droite. Une douzaine de personnes se précipitèrent dans une sorte de ruée se bousculant, s'écrasant. Quelques autres purent s'échapper avec l'aide de celles qui venaient de sortir.
De la voiture montaient des cris horribles « Au secours », « Maman, maman », « Sauvez-nous ».
En quelques instants l'autocar ne fut plus qu'un brasier duquel les habitants de Roquevaire, accourus, durent s'éloigner tant la chaleur était intense. Déjà il ne restait plus, près du trottoir que des débris calcinés, des ferrailles tordues, des plaques de tôle gondolées. Sous cet amas, on apercevait des débris humains calcinés et notamment le corps d'une femme assise sur une banquette du milieu et serrant un enfant sur son sein, celui d'un homme particulièrement robuste qui a été saisi par la mort au moment où il allait atteindre la portière, celui d'un voyageur qui s'était désespérément cramponné à la portière arrière qu'il a vainement tenté d'ouvrir.
Dix cadavres
Des mesures furent immédiatement prises pour le transport des voyageurs qui n'étaient que blessés; deux d'entre eux furent transportés à l'hôpital d'Aubagne, trois autres furent emmenés à l'hôpital de la Conception à Marseille et une dernière à l'hôpital de Roquevaire. Douze personnes environ étaient indemnes. On pouvait donc, dès les premiers instants, évaluer à une dizaine le nombre des morts. Le Parquet d'Aix avisé se transporta immédiatement à Roquevaire. Il est apparu tout de suite qu'il ne pouvait être question d'un court-circuit et que l'on devait dans ces conditions accepter comme exacte l'explication donnée par une des personnes non blessées, qui a déclaré que quelques secondes avant que le car ne prit feu elle avait signalé au chauffeur que des flammes sortaient du paquet de films. Ce serait donc à l'inflammation des films de cinéma que serait dû l'accident.
Identification difficile des victimes
Les blessés sont Mme Lopez, demeurant rue Farinette à Marseille, Mme et Mlle Cassau, Mme Pelligrini, demeurant à la Bouilladisse. Ces personnes ont été transportées à l'hôpital de Roquevaire. L'état de Mme Cassau est désespéré.
A l'hospice d'Aubagne ont été transportées Mlle Juliette Becker, demeurant rue Sainte-Catherine, à Marseille et Mlle Catherine Coreana, demeurant au Canet près de Marseille.
Les maires de toute la région sont venus à Roquevaire, tant pour voir les blessés et les rescapés que pour tenter d'aider à l'identification des cadavres. L'autocar qui était immatriculé c 917T CAO va être exploré et l'on essaiera d'en dégager les corps.
La liste des victimes
Dans l'après-midi, les déclarations des familles qui venaient à la gendarmerie réclamer des nouvelles de ceux qui, le matin, étaient partis plein de vie, et, hélas, n'avaient pas reparu ont permis d'établir une liste qui semble définitive, des victimes dont les restes …

autre source:
La preuve par neuf Francis Pellissier Calameo p 97 
2018-01 CC

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