1720-2020
En
ces temps de confinement, comment ne pas s’arrêter quelques instants sur les
correspondances entre l’épidémie de peste de 1720 à Marseille et en Provence et
l’épidémie de Covid-19 qui sévit actuellement.
Si
nos ancêtres ignoraient tout des origines de la peste (miasmes, châtiment
divin ?), ce n’est pas parce que l’agent infectieux est identifié que l’on
peut combattre la maladie : nous en sommes donc - en attente de traitement
- à utiliser le même savoir empirique que le leur. Ce savoir d’une grande efficacité peut être
résumé ainsi : « cito, longe, tarde » : pars vite, loin, reviens
tard.
Pars
vite et loin ne signifie pas « sauve-toi au risque de contaminer les
autres », ce qu’ont fait nombre de Marseillais qui, en rejoignant leur
bastide en 1720, ont répandu via leurs vêtements l’épidémie à toute la Provence
et qu’on observe ces jours-ci où nombre de citadins croient malin d’aller dans
des lieux plus « accueillants » en temps de confinement. Ils ne se porteront
pas mieux à la campagne qu’à la ville s’ils sont contaminés mais, en revanche,
ils contamineront des lieux exempts de toute contagion.
1918, Seattle
Pars
vite et loin signifie « ne t’approche en aucune manière des malades ou de
ceux qui sont susceptibles de l’être ». Comment s’en assurer ?
Dès
qu’un soupçon apparaît, les autorités font isoler le malade et ses proches sans
des lieux dédiés (les Infirmeries en 1720 ou à l’hôpital avec confinement
strict pour les proches en 2020).
A
titre individuel, la fonction des masques est de rassurer ceux qui les
portent : c’était vrai pour nos ancêtres et il n’est que d’entendre
aujourd’hui les cris d’orfraie réclamant des masques de protection pour savoir
que rien n’a changé.
Que
signifie une distance d’un mètre pour éviter l’infection au Covid-19 si ce
n’est se tenir éloigné de son prochain ?
La
situation est radicalement différente pour ceux qui, pour des raisons
professionnelles, sont contraints de côtoyer de très près les malades. Les
vêtements de cuir ou de toile cirée des infirmiers et des médecins leur ont
probablement permis, malgré un très lourd tribut, de poursuivre leur mission en
1720 et nul doute que les protections actuelles de nos soignants hospitaliers
ne soient efficaces.
Reviens
tard ou le principe de la quarantaine : cette sagesse ancestrale,
appliquée de manière plus ou moins stricte par les communautés en 1720, trouve
sa pleine application dans les consignes de confinement décrétées pour quinze
jours et qui seront probablement étendues tant que l’épidémie persistera.
Mais,
que l’on déclare officiellement le 31 juillet 1720 que Marseille est une ville fermée
dont il est interdit de sortir ou qu’un confinement généralisé s’applique
depuis le 17 mars ne change pas les difficultés inhérentes à cette situation.
Tout d’abord, des lieux d’échange avec le monde extérieur sont nécessaires pour
nourrir la population et les commerces de bouche doivent rester ouverts.
Doivent également se déplacer les forces de sécurité - y compris les galériens « corbeaux »
de 1720 - et le corps médical. C’est ainsi que l’attestation de déplacement
dérogatoire ressemble étrangement aux « billettes de santé » de 1720.
Enfin,
des contrevenants à ces différentes mesures se retrouvent quelle que soit
l’époque : inconscients d’un mal invisible ou commerce illicite et appât
du gain plus fort que tout le reste.
Billet de santé, 1722, Brignoles.
2020-03 CC
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire